Depuis le début de l’épidémie de Covid, la priorité est donnée aux personnes infectées par le coronavirus. Les autres malades, parmi lesquels les malades de cancer, ont vu leurs traitements reportés ou adaptés dans le but de les exposer le moins possible au virus. À quelques jours de la fin du confinement, malades et oncologues alertent sur la nécessité de revenir au plus vite à un rythme de traitements normal.
Un risque de retard de diagnostic
Et cela commence par le dépistage. Depuis le début du confinement, le dépistage organisé a été suspendu par décision de l’INCa (Insitut National du Cancer). Pendant ce temps, les lésions asymptomatiques – normalement décelées à cette occasion – continuent de progresser. Elles ne sont détectées que plus tard, à un stade plus avancé, lorsqu’elles se manifestent physiquement. Ces retards de diagnostic vont peser lourdement sur ces nouveaux malades, comme nous l’expliquait le Pr Blay, président d’Unicancer : « les risques de décès par cancer augmentent à chaque mois perdu dans le diagnostic ».
Des reports de chimiothérapies qui questionnent
Viennent ensuite les traitements. Ceux-ci ont été largement modifiés en raison du Covid. Les cures de chimiothérapies ont par exemple été adaptées pour que les malades se déplacent le moins possible à l’hôpital. Un choix dont le bien-fondé questionne certains oncologues. Comme nous le confiait le Dr Eric Raymond, chef du service d’oncologie médicale de l’hôpital Saint Joseph : « On dit qu’il faut limiter les chimiothérapies hebdomadaires. Mais il faut être cohérent. Par exemple, le carbotaxol, si on le fait une fois toutes les 3 semaines au lieu d’une fois par semaine, le risque de toxicité secondaire est beaucoup plus important. Le risque de neutropénie aussi. Est ce que je rends vraiment service au malade ? À réajuster un traitement dans l’urgence, on risque de faire plus de mal que de bien. Entre la théorie et la pratique… Dans un an, si mon patient rechute, je ne me sentirai pas tout à fait à l’aise. »
Retards de chirurgies : 30% de perte de chances pour certains cancers
Les chirurgies « non-urgentes », c’est-à-dire n’ayant pas de retentissement direct sur la survie du patients, ont été reportées. Pourtant, ce choix pourrait avoir des répercussions désastreuses à long terme. Une étude publiée il y a quelques jours révèlent que les reports de chirurgie pourraient causer une surmortalité chez les malades de cancer bien supérieure à celle engendrée par le Covid-19. Ainsi, cette étude prospective de l’Institut de la recherche sur le Cancer (l’équivalent de l’INCa en France) évalue à 5000 morts supplémentaires un retard de 3 mois dans les chirurgies. 10.000 pour six mois. Interpellé par notre association le ministre de la santé, monsieur Olivier Veran, a rappelé aux hôpitaux qu’ils devaient reprogrammer les opérations cancérologiques dés à présent.
Quant aux suivis radiologiques, qui permettent de constater si les traitements sont efficaces, ils ont été reportés en l’absence de suspicion de récidive ou si le cancer est considéré comme stabilisé. Laissant les malades de cancer dans l’angoisse de savoir si leur tumeur continue ou non de croître.
Des pertes de droit chèrement gagnés
Enfin, c’est aussi le droit des femmes que l’épidémie de Covid a sévèrement ébranlé. Depuis le début du confinement, la préservation de la fertilité n’est plus une priorité. Les prélèvements d’ovocytes ou de tissus ovariens ont été suspendus par certaines Agences Régionales de la Santé, remettant ainsi en cause une bataille chèrement gagnée et actée dans le dernier Plan Cancer. Des dizaines de femmes, devant être traitées par des chimiothérapies particulièrement toxiques pour leurs ovaires, ne pourront peut-être, à cause de ces choix, administratif jamais porter d’enfant.
Ces adaptations de traitements et ces reports d’actes médicaux répondaient à un contexte inédit de calcul bénéfice/risque évidemment complexe car personne ne mesurait précisément le risque du covid-19. À présent que la situation est stabilisée, il est urgent de reprendre une prise en charge optimale du cancer. Urgent.
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Emilie Groyer