« C’est terrible pour les patientes à qui l’on diagnostique un cancer cette semaine. Non seulement elles doivent absorber l’annonce de la maladie dans un contexte hyper-anxiogène. Et celles dont les traitements doivent commencer rapidement car on ne peut les différer doivent, en plus, affronter le choc de la perte de cheveux. Sans perruque car tous les prothésistes capillaires sont fermés. Ça a vraiment été hyper-violent pour les femmes nouvellement diagnostiquées. »
Nous avons été alertées, dès le début de l’état d’urgence sanitaire par le Dr Suzette Delaloge, chef du service pathologie mammaire à Gustave Roussy, du désarroi des femmes dépourvues de solutions pour anticiper la perte de cheveux due à leurs traitements.
La perruque, tout sauf du superflu pour les malades de cancer
Superficielle, cette peur de l’alopécie dans un contexte de crise sanitaire ? Pas selon Céline Lis-Raoux, directrice de RoseUp, l’association qui a obtenu en 2019 l’augmentation du remboursement des perruques pour les malades de cancer passant de 125 à 350 euros.
« La perte de cheveux ce n’est pas « juste » une question d’apparence. C’est le signe du bouleversement qu’opère le cancer dans l’existence. Certaines se sentent devenir des « parias ». D’autres voient dans ce visage nu le signe même de la mort. Chaque drame lié à l’annonce du cancer et à la perte des cheveux est intime, ce qui est certain c’est que dans un contexte hyper-anxiogène, ne pas trouver de perruque c’est ajouter une angoisse à un mal. »
Des boutiques fermées et des malades désorientées
Les perruques sont aujourd’hui remboursées par la Sécurité Sociale sur une base de 350 euros. Ce qui permet à chacune d’avoir accès à une prothèse capillaire de qualité sans « reste à charge ». En revanche, la CPAM ne rembourse que les produits vendus par des prothésistes professionnels avec pignon sur rue. Les perruques vendues à distance (à la qualité jugée aléatoire) ne sont, théoriquement, pas prises en charge.
Alors, comment faire quand les enseignes de perruques sont fermées – comme tout commerce non « prioritaire »? Dès lundi midi, quelques heures après avoir reçu un appel d’une « soignante de Gustave Roussy qui demandait de l’aide », Sylvie Brusco, directrice adjointe du groupe Aderans et la directrice commerciale, ont sonné dans toute l’entreprise le branle-bas de combat. En quelques jours, les stocks ont été évalués, l’offre construite et le suivi administratif organisé. Pour permettre aux femmes d’acheter par téléphone des perruques qui seront remboursées.
Comment ça marche ?
Que vous soyez un particulier, un professionnel de santé ou une association, un numéro est mis en place pour acheter des perruques. « Le stock est regroupé sur un seul site et toutes les mesures de sécurité et d’hygiène sont respectées », explique la directrice adjointe du groupe Aderans. Les patients indiquent leurs coordonnées et leur numéro de Sécurité Sociale et seront livrées à domicile aussi longtemps que cela sera possible.
Les professionnels de santé, eux, doivent s’organiser pour commander les modèles et quantités nécessaires. Les perruques seront livrées à l’hôpital avant répartition dans les différents services. En général, les prothésistes capillaires proposent un large choix. Étant donnée l’urgence, la marque a préféré ne proposer que des perruques de Classe 1 (intégralement remboursées par la CPAM).
Un document d’explication simple
En temps normal, tout premier achat de prothèse capillaire nécessite un conseil adapté à chaque patiente. « Sauf que l’on est en période de crise et qu’il faut s’adapter au mieux », rappelle Sylvie Brusco. « Nous ne pouvons pas accompagner les patientes sur tous les services habituels : enlever les cheveux, s’approprier la chevelure, styliser la perruque si besoin etc… Nous avons donc élaboré un document simple sur la pose et l’entretien de la chevelure pendant cette période. »
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Claire Manière