« Les patients en traitement de cancer sont-ils plus sensibles au coronavirus ? ». « Je suis en aplasie : j’ai peur de contracter le coronavirus parce que je suis immuno-déprimée ». « On est côte à côte pour les séances de chimiothérapie, si ma voisine a le COVID-19, quels sont les risques ? ». « Je suis soignée pour un cancer du poumon, je risque quoi ? ». « Dois-je demander qu’on m’injecte des facteurs de croissance pour me protéger du virus ? ». Les questions des malades sont nombreuses sur les réseaux sociaux et sur le standard téléphonique de notre association RoseUp.
Des malades de cancer au système immunitaire fragile
Une réalité : les malades de cancer ont un système immunitaire plus fragile, notamment à cause de certaines chimiothérapies. Certains patients se trouvent en situation d’aplasie, un appauvrissement en globules sanguins qui peut se manifester entre 8 et 15 jours après une séance de chimio. Pendant cette phase, le système immunitaire est affaibli. Il est donc, en règle générale, recommandé d’éviter la foule, les transports en commun et toutes les occasions d’être au contact de personnes porteuses d’une maladie infectieuse.
La crainte de la contamination au COVID-19 à l’hôpital
Par ailleurs, l’hôpital est, en soi, une source de stress pour les patients, qui rencontrent d’autres malades potentiellement infectés par le COVID-19. « Le risque de contamination des hôpitaux est l’un des sujets qui nous préoccupe le plus », reconnait Aurélien Rousseau, le directeur de l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France. Pour rappel, la France est passée au stade 2 sur 3 de l’épidémie de coronavirus.
« Le cancer, en soi, n’est pas un facteur de risque supplémentaire »
Qu’en disent les cancérologues ? « Je ne serre plus la main à mes patients pour les saluer et je me lave les mains environ cinquante fois par jour ! ». Le Dr Philippe Girard, pneumologue à l’Institut Mutualiste Montsouris, n’a pas vraiment changé, mises à part ces nouvelles habitudes de prudence, son exercice de la médecine. D’ailleurs, il le répète « ce n’est pas le cancer en lui-même qui est un facteur de risque supplémentaire pour le coronavirus – mais dans tous les cas où l’immunité est diminuée à cause des traitements, la maladie peut avoir des formes plus sévères ».
Les préconisations officielles pour les malades de cancer
Du côté d’Unicancer – qui regroupe les 18 centres de cancérologie sur le territoire – pas de préconisation spécifique car chaque hôpital dépend de son Agence Régionale de Santé (ARS) et donc du profil épidémique de sa région: la situation n’est évidemment pas la même dans l’Oise qu’en Gironde, par exemple. L’INCa (Institut national du cancer) rappelle sur son site les précautions à prendre. Quant au numéro vert (0 800 130 000) censé informer les français, la question du cancer et de la dangerosité du coronavirus a laissé coite la conseillère que nous avons jointe et qui n’a pu que répéter « je ne suis pas médecin, mais si vous êtes dans le cancer (sic) soignez-vous et surtout ne vous inquiétez pas plus« . Cela dit avec une telle tristesse dans la voix, que même le moins atrabilaire des malades ne pouvait qu’être envahi par une crise d’angoisse irrépressible.
Recommandations de Gustave Roussy : visites interdites et opérations reportées
Gustave Roussy (IGR) de Villejuif, le plus important centre de cancérologie en Europe, a donné le premier des réponses aux inquiétudes des patients à travers un document dédié dès le 4 mars. Des mesures qui ont été renforcées 12 jours plus tard pour prendre en compte les recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique. « L’IGR a pris la décision temporairement d’interdire les visites. Aucun accompagnant ne pourra pénétrer avec vous dans Gustave Roussy » déclare solennellement le Pr Fabrice Barlesi, directeur médical de Gustave Roussy, dans une vidéo explicative. Avant de préciser que des exceptions pourront être faites dans des situations de fin de vie ou dans les services de pédiatrie.
Il continue pour les malades sous traitement : « Afin de minimiser les risques de contracter cette infection virale extrêmement contagieuse, nous avons fait le choix – lorsque c’était possible et que le retentissement sur la prise en charge de votre maladie a été évalué comme modeste, de reporter un certain nombre de traitements« . Parmi ceux-là, les immunothérapies et les médicaments qui sont présents pendant longtemps dans l’organisme et dont l’administration peut être décalée de quelques semaines sans incidence sur la santé du patient. Les interventions chirurgicales non urgentes seront également reportées le temps du confinement.
Soucieux de maintenir le lien avec ses patients malgré ces mesures, Gustave Roussy a mis en place des téléconsultations à distance, par téléphone ou visioconférence. Les autres établissements devraient leur emboiter le pas.
Claire Manière
Mis à jour le 19 mars 2020