La rumeur a d’abord couru parmi les médecins tôt samedi matin. Quatre cas très graves à l’hôpital Bichat en réanimation – des jeunes qui auraient pris des anti-inflammatoires aux premiers symptômes de coronavirus… Puis, l’alerte a été reprise par les autorités sanitaires. « La prise d’anti-inflammatoires (ibuprofène, cortisone…) pourrait être un facteur d’aggravation de l’infection », a tweeté Olivier Véran samedi 14 mars. Appelant à « prendre du paracétamol » en cas de fièvre et/ou de douleurs.
Le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, a renchéri sur Linkedin : « Des événements indésirables graves liés à l’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont été signalés chez des patients atteints de COVID19, cas possibles ou confirmés ».
Que sont les AINS ?
Très utilisés en automédication, les AINS, acronyme pour anti-inflammatoires non stéroïdiens, (aspirine, ibuprofène, kétoprofène, diclofénac, etc.) ont déjà fait l’objet d’alertes. En avril dernier, l’Agence du médicament (ANSM) publiait une enquête portant sur deux des AINS les plus utilisés (ibuprofène et kétoprofène), dont les conclusions « suggèrent le rôle aggravant de ces AINS en cas d’infection ».
L’Institut Curie, dont les oncologues révisent actuellement la liste des médicaments nécessitant, au cas par cas, d’être momentanément stoppés (lire notre entrevue avec Paul Cottu), a adopté cette même mise en garde pour les malades de cancer. « Les AINS sont à éviter », confirme le Dr Cottu, chef de département adjoint du Département d’oncologie médicale de l’Institut Curie. Si mal de tête douleur ou fièvre, que l’on souffre ou pas d’une pathologie chronique : on s’abstient.
Pas d’automédication !
Le problème est que certains traitements de pathologies chroniques impliquent la prise d’anti-inflammatoires sur le long terme. Il s’agit de corticoïdes, qui sont des inflammatoires stéroïdiens. Si votre médecin vous en a prescrit, ne les arrêtez pas, sauf avis contraire de sa part. « Le bon message est : pas d’automédication mais pas d’arrêt brutal de ces traitements pour des pathologies chroniques tant qu’il n’y a pas de fièvre ou de signes respiratoires », avertissait sur Twitter, le chef du pôle urgence et du Samu du CHU de Lille, Patrick Goldstein.
Des corticoïdes au long cours pour certains malades de cancer
Pour les malades de cancer en particulier, il y a deux sortes de cas. Les patients qui ont des prescriptions de corticoïdes au long cours – « en général pour les cancers avancés symptomatiques avec douleurs, métastases cérébrales, carcinose péritonéale… », précise le Dr Paul Cottu, de l’Institut Curie – et, dans un second cas, les patients qui en prennent de manière très ponctuelle avant les chimiothérapies. Pour ces derniers, l’oncologue jugera, au cas par cas, avant chaque chimiothérapie si elles sont maintenues.
Ne pas stopper de son propre chef les traitements
Pour ceux qui reçoivent des corticoïdes plus de 3 semaines de suite « ce sont des sujets à risque car les corticoïdes sont des immuno-dépresseurs. Ils doivent se protéger du Covid-19 mais ne peuvent pas stopper le traitement », insiste le Dr Suzette Delaloge, chef du service pathologie mammaire à Gustave Roussy. Tous ces patients doivent particulièrement respecter les consignes de confinement et entrer en contact avec leurs oncologues : la décision de modifier ou non la médication sera prise en soupesant dans chaque cas, le bénéfice et le risque de poursuivre.
Se tenir informé et appeler le 15 en cas de suspicion de coronavirus
Dans les faits, de nombreux services de cancérologie ont pris les devants et téléphoné aux patients fragiles pour les tenir informés. C’est le cas à Gustave Roussy dont les équipes médicales ont joint de manière prospective la majorité des patients. Et mis à leur disposition un numéro spécial de renseignements pour ne pas surcharger le standard. Gustave Roussy qui accueille désormais 13 de ses patients (essentiellement de cancer du poumon) infectés dans une aile dédiée ou en réanimation.
Si vous êtes atteint de cancer et avez des symptômes de coronavirus, jusqu’à nouvel ordre, appelez le 15.
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Claudine Proust et Céline Lis-Raoux