Plus de la moitié des femmes touchées par un cancer se déclarent insatisfaites de leurs rapports sexuels 5 ans après le diagnostic. C’est ce qu’avait révélé un rapport publié par l’INCa en 2018. Les raisons sont multiples. Parmi elles, la ménopause induite par certains traitements contre le cancer qui provoquent sécheresse voire atrophie vaginale.
Des solutions existent. Mais les traitements qui conviendraient à ces femmes – non-hormonaux – ne sont pas remboursés. Pour lutter contre cette injustice, Audrey Dufeu, députée de Loire-Atlantique, a profité du plan de financement de la sécurité sociale 2022 – adopté mardi dernier en dernière lecture – pour inviter cette question dans le débat public. Elle répond à nos questions.
Comment avez-vous été alertée sur cette problématique ?
Audrey Dufeu : Par le Dr Fabienne Marchand qui exerce à la Polyclinique de l’Atlantique dans la région nantaise. Cette gynécologue consacre la fin de sa carrière à la prise en charge des troubles sexuels chez les femmes atteintes de cancer et ménopausées. Elle m’a expliqué que des solutions existaient mais qu’elles étaient rarement proposées. C’était incroyable d’entendre que ses pairs, souvent des hommes, ont un blocage quand il s’agit d’aborder ce sujet ou, ne le considèrent tout simplement pas. L’autre problème, c’est que ces solutions ne sont de toute façon pas remboursées.
Comme elle sait que je travaille sur les discriminations liées à l’âge et elle m’a dit : « Tu sais, s’il y a un sujet vraiment discriminant, c’est l’épanouissement sexuel”.
Les femmes sont donc victimes de discrimination quand il s’agit de sexualité ?
De toute évidence. Les hommes bénéficient depuis longtemps du remboursement de traitements contre les dysfonctions érectiles grâce au rapport demandé par Bernard Kouchner lorsqu’il était Secrétaire d’Etat à la Santé. C’était en 1999. Mais on ne s’est pas posé la question à l’époque de ce qu’il en était pour les femmes. Il est temps de le faire.
Vous demandez donc qu’une étude similaire soit faite chez les femmes ?
En tant que Députée, c’était le seul levier dont je disposais. J’ai déposé un amendement dans le cadre du plan de financement de la sécurité sociale 2022 pour que le gouvernement fasse un état des lieux des traitements favorisant l’épanouissement sexuel des femmes après un cancer. Et pas uniquement des crèmes et des ovules. Aujourd’hui, on parvient à améliorer sensiblement le quotidien des femmes grâce à des lasers ou de la radiofréquence vulvo-vaginale. Mais parce que ces méthodes n’ont pas été évaluées, elles ne sont pas prises en charge.
A-t-il été difficile de porter cet amendement auprès des autres députés ?
Ce n’était pas évident. C’est un sujet tabou la sexualité. Mais lorsque j’ai commencé à en parler, j’ai trouvé qu’il y avait une vraie sororité sur la question de la part des députées. Les députés hommes ont également trouvé, pour la plupart, discriminant que les traitements pour les hommes soient remboursés et que ce ne se soit pas le cas pour les femmes.
Finalement, le sujet a fait consensus et le rapport a été voté à l’unanimité. Avec un avis favorable du Ministre. C’est plutôt encourageant
Quelles sont les prochaines étapes ?
Le gouvernement va désigner une instance chargée de rédiger le rapport. Il doit être rendu avant le 1er septembre 2022.
Pour obtenir un remboursement, il faut ensuite que la Haute Autorité de Santé (HAS) reconnaisse l’efficacité de ces traitements et donne un avis favorable pour leur prise en charge. Encore faut-il avoir en ligne de mire que l’épanouissement des femmes est une priorité. Ce qui n’est pas forcément le cas. Ensuite, il faut que le CEPS*, si l’avis de la HAS est favorable, se penche sur la question du remboursement…
Le remboursement des traitements favorisant l’épanouissement sexuel des femmes touchées par un cancer n’est donc pas pour tout de suite…
C’est un combat qui va prendre du temps. Comme ce n’est pas une priorité pour les gynécologues, le corps professionnel ne va pas se mobiliser. C’est donc aux femmes de se saisir du sujet et de militer pour obtenir ce remboursement.
Cet amendement est emblématique parce que c’est la première pierre à l’édifice, la première étape vers la reconnaissance de l’épanouissement de la sexualité des femmes au travers de nos politiques publiques. Ce qui n’avait jamais été le cas avant. C’est une vraie avancée. Je suis contente d’avoir mené ce combat féministe dans l’hémicycle.
Propos recueillis par Emilie Groyer
*Comité économique des produits de santé