Mal de gorge, ganglion dans le cou, douleur à l’oreille, aphte, narine bouchée… Qui n’a pas ressenti ces symptômes, parfois même plusieurs fois dans l’année ? Particulièrement l’hiver, période où les virus s’en donnent à cœur joie. Or « Si vous ressentez l’un de ces symptômes pendant plus de 3 semaines, consultez ! » : c’est le message fort porté par la nouvelle campagne de communication de l’association Corasso, dédiée aux cancers de la tête et du cou (ORL, voies aéro digestives supérieures, maxillo-facial et cervico-faciales). Il s’affiche depuis octobre 2023 dans les gares et il se décline aussi en vidéos sur les réseaux sociaux1. Accompagnée par l’agence Bearideas, Corasso a réalisé une dizaine de témoignages filmés. En moins de deux minutes des patients, des aidants, des soignants, disent l’urgence de consulter face à un symptôme qui peut sembler banal voire insignifiant, mais qui ne l’est plus quand il persiste. Car urgence il y a.
Ces cancers touchent 15000 personnes par an
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Chaque année en France, 15 000 personnes sont touchées par un cancer de la tête et du cou. Et environ 70 % d’entre elles sont diagnostiquées à un stade avancé. « Cela signifie des traitements plus mutilants. Les ablations d’une partie du visage entraînant des déformations sont encore trop souvent nécessaires ! », s’indigne Sabrina Le Bars, présidente de Corasso , elle-même touchée par un cancer des glandes salivaires à 28 ans. « Complétés par une radiothérapie, ces traitements peuvent être lourdement invalidants au quotidien ». Et briser des vies. « C’est inacceptable car diagnostiqué à temps, un cancer tête et cou peut guérir dans 90 % des cas ! ».
À LIRE AUSSI : Cancers ORL : On fait le point
Objectif : stopper l’errance diagnostic
Pour inverser la tendance, Corasso veut toucher les patients potentiels. C’est à dire vous et moi. Tout le monde. « Mais également les médecins traitants, dentistes et ORL exerçant en ville, les pharmaciens… Celles et ceux que l’on consulte en premier lorsque l’on a un doute concernant sa santé ». Parce que l’une des principales difficultés dans la détection des tumeurs ORL, c’est que les symptômes initiaux, pas vraiment spécifiques, peuvent d’abord faire penser à des pathologies bénignes : aphte, rhinite, rhume, otite, etc. Du coup, des patients retardent la consultation chez un médecin généraliste ou spécialiste (pour lequel les délais de consultation sont déjà parfois longs).
De la même manière, un professionnel de santé peut passer à côté. « D’où l’importance de former les étudiants en santé dès le début de leur parcours, afin qu’ils soient vigilants sur la détection de ces signes », insiste Sabrina Le Bars, qui milite également pour le déploiement de patients partenaires. Même combat pour Géraldine Lescaille, chirurgienne ORAL, spécialisée en chirurgie odontostomatologie à l’Hôpital la Pitié-Salpêtrière : « Il faut absolument que d’emblée, les professionnels puissent avoir en tête la piste d’un cancer (…). La majorité des aphtes sont bénins. Néanmoins, sentir un aphte plus de huit jours dans la bouche, ce n’est pas normal et il faut impérativement consulter. Mieux vaut faire des biopsies qui n’identifient rien, plutôt que de passer à côté de quelque chose ». Objectif ? Stopper l’errance diagnostique, les complications et les décès évitables.
Personne n’est à l’abri d’un cancer ORL
Tabous, stigmatisants et stigmatisés, les cancers de la tête et du cou sont souvent associés à un profil particulier de personne. « On entend encore trop souvent cette phrase : « tu as le cancer que tu mérites, tu n’avais pas qu’à ni boire ni fumer ! », regrette Sabrina Le Bars. « Si l’alcool et le tabac sont la cause de 60 % des cancers tête et cou, qu’en est-il des 40 % restants ? 30% sont liés au papillomavirus, une maladie sexuellement transmissible. Quant aux 10% restants, soit ils sont dus à un autre virus que le papillomavirus, soit à une exposition professionnelle, ou encore à la maladie de Fanconi, à des antécédents de lichen buccal, peut-être à la pollution, à nos modes de consommation. D’autres sont peut-être héréditaires ».
Autre idée reçue sur le « patient-type » : l’âge. Certes ces cancers touchent principalement des personnes âgées entre 50 et 64 ans, mais de plus en plus de jeunes, indépendamment de leur sexe, sont aussi concernés. C’est le cas d’Emilie, secrétaire de l’association Corasso : « J’avais la voix cassée depuis plusieurs semaines. Au bout de quelques mois, je me suis dit qu’il fallait consulter un spécialiste2. L’ORL était rassurant. Il disait que cela n’avait rien d’une tumeur maligne et que ce n’était pas cancéreux. Et moi dans ma tête, je me disais que ça ne pouvait pas m’arriver. A 22 ans, j’étais trop jeune ». Une laryngoscopie finit par révéler qu’elle souffre d’un cancer des cordes vocales. Quatre ans plus tard, la jeune femme garde une voix éraillée, plutôt masculine, et elle fait partie des visages de la campagne Face aux symptômes.
Des témoins qui crèvent l’écran
« Parler avec une voix artificielle ou une voix modifiée, ne plus pouvoir se nourrir ou alors autrement, liquide ou mixé, baver… tout cela ne plaît pas. Cela renvoie à ses propres peurs… », reconnaît Sabrina Le Bars. « Les patients qui s’en sortent (40% de survivants à 5 ans pour les patients diagnostiqués trop tardivement) ont plutôt tendance à taire la maladie lorsqu’elle n’est pas visible pour reprendre une vie aussi « normale » que possible. Quant à celles et ceux dont la maladie est trop visible, ils ont plutôt tendance à se cacher. Il ne reste donc pas grand monde pour parler de ces maladies très peu connues du grand public ».
Ce serait sans compter sur la force du groupe. Et la solidarité qui règne sur la page Facebook Corasso Echangeons. Véronique, Emilie, Christine, Chantal, Sabrina, Joseph, Pierre, David et Antoine ont répondu présent. Ils crèvent l’écran. Des hommes, des femmes. Jeunes ou moins jeunes. Ayant une bonne hygiène de vie. Ou pas. Sans vouloir nous affoler, ils viennent nous rappeler que ces cancers peuvent aussi nous frapper. « Soyez à l’écoute de votre corps. Soyez réactif quand vous constatez que vos symptômes ne disparaissent pas. Insistez auprès de votre médecin », recommande Sabrina Le Bars. Cela pourra vous sauver la vie.
1. Une campagne déclinée aussi sur les réseaux sociaux de Corasso : sur LinkedIn, Facebook, Instagram et sur le site corasso.org
2. La France compte seulement 1 médecin ORL pour 35 000 habitants (Conseil national de l’Ordre des médecins)