En octobre 2022, on vous a diagnostiqué un cancer du sein. Comment ça va aujourd’hui ?
Laurie Delhostal : Je vais très bien. Je suis dans cette phase où j’ai oublié que j’avais été malade et c’est tant mieux. Quand on vit le cancer, on a l’impression que ça ne va jamais sortir de nos têtes mais je m’aperçois qu’on peut vivre sans y penser continuellement. C’est chouette.
Dans quel état d’esprit êtes-vous sortie de cette expérience?
C’est difficile de dresser un bilan. J’ai été suivie par un psy à l’hôpital, ce qui est essentiel. Je lui ai dit que j’étais déçue parce que je pensais devenir une meilleure version de moi-même et ce n’est pas le cas. Rien de spectaculaire, j’apprends juste à être plus cool avec moi-même.
À quel moment vous êtes-vous sentie la plus fragilisée?
Mentalement, je pense que l’après est plus dur que le pendant. Quand l’annonce est tombée, j’ai choisi de continuer à travailler, je suis toujours restée en action. Là, en rémission, j’ai peur de la récidive.
Quelle place a tenu le sport dans votre vie, ces deux dernières années?
Je suis sportive. Il n’était pas question d’arrêter. J’ai couru même pendant la chimio, j’ai beaucoup marché. Je reste persuadée que continuer de pratiquer un sport et continuer de travailler ont contribué à mieux supporter le traitement. Je n’ai pas perdu de poids, je suis restée en bonne forme.
Avez-vous été confrontée à des réactions surprenantes dès lors que votre entourage a su ce que vous traversiez?
Dans l’ensemble, j’ai reçu beaucoup de bienveillance mais ce qui m’a fait halluciner ce sont ceux qui viennent vous raconter le cancer des autres. Ce sont toujours des histoires glauques. Je m’aperçois que les réactions sont rarement équilibrées. Il y a ceux qui vous regardent comme si vous alliez mourir et ceux qui vous disent : « Oh, ça va, ça se guérit bien maintenant ! » . C’est tout ce qu’on n’a pas envie d’entendre, mais je reconnais que moi-même, je ne suis pas à l’aise avec les gens malades.
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Juste après l’annonce de votre rémission, vous vous êtes attaquée à Championnes !. Comment est né le projet de ce livre ?
J’ai été contactée par La Martinière, la maison d’édition, dont la volonté était de mettre en avant des pionnières du sport. Travailler avec Louison l’illustratrice, et avec Cécile Grès qui sont deux amies, c’était enthousiasmant. Au-delà de l’envie de parler de ces sportives, il y avait une aventure collective réjouissante.
Comment avez-vous procédé pour la sélection des 90 sportives présentes dans votre livre?
Ça a été un très long travail de recherche qui a pris plusieurs mois. Notre volonté était d’avoir des sportives internationales et de représenter un maximum de profils. On est revenu plusieurs fois sur notre liste. Même s’il n’était pas question de proposer quelque chose d’exhaustif, notre grande angoisse, c’était d’oublier des femmes remarquables.
Y a-t-il aussi une volonté politique dans cet ouvrage?
Oui, indéniablement et rendre hommage à ces femmes c’est aussi raconter un peu de nous, de notre parcours, des obstacles qu’on a dû franchir. J’ai tout le temps des témoignages de jeunes femmes découragées par le système. Les sportives de notre livre ont toutes connu des empêchements ou ont été invisibilisées, victimes de machisme et de sexisme alors qu’elles ne voulaient que participer aux compétitions. Nous voulions remettre ces athlètes dans la lumière parce qu’elles sont courageuses. Ce sont des personnages exceptionnels.
Avez-vous expérimenté la misogynie ordinaire dans ce milieu du journalisme sportif?
Bien sûr ! Je suis présidente du collectif des Femmes journalistes de sport (FJS), qui a été créé en 2020. Le constat c’est que les femmes représentent 10 à 15% des effectifs dans les rédactions. Quant aux diffusions des compétitions ou des matches féminins c’est entre 15 et 18%. Ce milieu est très particulier. Il y a d’ailleurs peu de femmes dirigeantes. C’est encore un bastion masculin.
Au-delà de ces sportives, quelles sont les femmes qui vous ont inspiré?
Simon Veil, c’est l’incarnation parfaite de la Femme. Quel parcours ! Quelle force de caractère! Et puis Simon de Beauvoir aussi. Quand j’étais étudiante, je préparais mon mémoire de philo sur Jean-Paul Sarte. C’est comme ça que je l’ai découverte. Finalement, je me suis davantage intéressée à elle qu’à lui.
INFO + : *Championnes ! Editions La Martinière – 192 pages
Textes Laurie Delhostal et Cécile Grès. Illustrations Louison. Préface Nathalie Péchalat
Parution : 23 février 2024 – 19€95
Propos recueillis par Sandra Karas