Dans le cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC, le type le plus courant de cancer du poumon), les risques de récidives sont importants. Les malades sont donc maintenus sous haute surveillance pour guetter toute reprogression de la maladie. Si celle-ci survient, les oncologues disposent notamment de thérapies ciblées capables de s’attaquer spécifiquement à certaines mutations responsables de la prolifération de la tumeur.
L’essai clinique de phase III Adaura, présentée lors du congrès 2020 de l’ASCO (virtuel cette année), démontre que ces traitements pourraient être utilisés bien plus précocement pour éviter que le cancer ne récidive.
Une absence de progression de la maladie dans 90% des cas à 2 ans
Cette étude a été menée chez une population de patients présentant certaines mutations pour lesquelles des thérapies ciblées existent déjà : les mutations du récepteur au facteur de croissance épidermique (ou EGF-R pour Epidermal Growth Factor Receptor). Ces mutations sont retrouvées chez environ 10% de la population et plus fréquemment chez les malades non-fumeurs (40% des cas).
Outre cette mutation, les patients incluent dans cette étude – 682 au total – présentaient un CPNPC traité par chirurgie et chimiothérapie (si indiquée). La moitié des malades ont reçu l’osimertinib (Tagrisso), une thérapie ciblée contre l’EGF-R. L’autre moitié a reçu un placebo.
À 2 ans, 89% des patients traités par la thérapie ciblée n’avaient pas vu leur maladie progresser alors que la moitié (53%) des malades ayant reçu le placébo avaient rechuté. La différence entre les 2 groupes est encore plus remarquable lorsqu’on se focalise sur les patients avec un stade localisé (II) ou localement avancé (IIIA) de la maladie : 90% des patients du groupe traité n’avaient pas reprogressé contre 44% dans le groupe placébo.
Vers une analyse génétique systématique des tumeurs ?
« Il est rare de voir des courbes qui se séparent autant, commente le Dr Fayette, cancérologue médicale en pneumologie au Centre Léon Bérard à Lyon. Même s’il faut attendre à présent que ces résultats se confirment bien en survie globale, on peut s’attendre à ce que ce traitement obtienne prochainement une autorisation temporaire d’utilisation et devienne un nouveau standard. La différence entre les 2 groupes est vraiment énorme. »
Pour l’oncologue, ces résultats vont conduire à un changement dans la prise en charge des patients. « Actuellement, on recherche des mutations quand la maladie reprogresse. Après cette étude, il est probable que l’analyse des biomarqueurs se fera dès le diagnostic pour administrer dès le départ une thérapie ciblée aux patients qui présentent les mutations. On se dirige de plus en plus vers des traitements intelligents : au lieu de donner le même traitement à tout le monde en sachant que seuls 10% des malades vont y répondre, on va le donner à ces 10% dont on sait qu’ils vont en bénéficier dans 90% des cas. Tout le monde y gagne.«