Pour lutter contre le cancer du sein métastatique hormonodépendant – c’est-à-dire sensible aux hormones, notamment les œstrogènes, le traitement de référence combine :
– une hormonothérapie (tamoxifène ou anti-aromatases) qui va bloquer le carburant des cellules cancéreuses : les œstrogènes (voir notre article « L’hormonothérapie, késako »),
– une thérapie ciblée (les inhibiteurs de CDK4/6 : ribociclib, palbociclib, abemaciclib) qui va empêcher les cellules cancéreuses de se multiplier.
Cette combinaison a prouvé son efficacité en augmentant de manière significative la survie sans progression des patientes c’est-à-dire, en augmentant la durée pendant laquelle la maladie ne s’aggrave pas.
Première étude chez les femmes en préménopause
Bien que ce traitement soit donné à toutes les femmes touchées par un cancer du sein métastique, quelles soient ménopausées ou non, son efficacité avaient été démontrés uniquement chez des malades ménopausées – le cancer du sein métastatique touchant majoritairement ces femmes. Les femmes jeunes en préménopause, dont le cancer est pourtant souvent plus agressif, n’avaient jusqu’à présent pas été incluses dans les essais cliniques. C’est désormais chose faite grâce l’étude Monaleesa-7 qui s’intéresse pour la première fois à cette population particulière de patientes.
L’essai a inclus 672 patientes préménopausées dont les tumeurs étaient sensibles à l’hormonothérapie mais pas à l’herceptine (profil HR+/HER2-1). La ménopause a été induite artificiellement chez ces femmes par des analogues de LH-RH, qui bloquent la production d’œstrogène par les ovaires, avant de les rendre apte à recevoir un traitement d’hormonothérapie par tamoxifène ou anti-aromatases (voir notre encart en bas de l’article). La moitié d’entre elles a reçu le ribociclib, un inhibiteur de CDK4/6, l’autre moitié, un placebo.
70% de survie à 3 ans et demi
Après 3 ans et demi, 70% des femmes ayant reçu le ribociclib étaient encore en vie alors qu’elles étaient 46% dans le groupe placébo. « Cela correspond à une réduction du risque de décès de 29%. C’est considérable » explique le Dr Mahasti Saghatchian, oncologue spécialiste du cancer du sein à l’hôpital américain de Neuilly. Certaines femmes, qui ont été incluses au début de l’étude, sont encore en vie 7 ans après le début du traitement. « C’est la première fois que l’on démontre que cette combinaison apporte un gain du point de vue de la survie globale. Jusqu’à présent, les études avaient montré un bénéfice uniquement sur la survie sans progression » complète-t-elle.
Cette étude confirme donc clairement que le traitement de référence du cancer du sein hormonodépendant métastatique est aussi efficace chez une femme ménopausée naturellement que chez une femmes dont on a induit la ménopause. « Cela peut paraître logique mais on était en droit de se demander si les inhibiteurs de CDK4/6 n’étaient pas moins efficaces chez des femmes à qui on avait donné des analogues de LH-RH pour les faire entrer en ménopause. Il y aurait par exemple pu y avoir une compétition entre les 2 molécules, l’une annulant les effets de l’autre. Cette étude démontre que ce n’est pas le cas » précise le Dr Saghatchian.
L’étude doit encore être prolongée pour déterminer combien de mois de vie supplémentaire ce traitement apporte mais ces résultats préliminaires sont dores et déjà « considérables » de l’aveu du Dr Saghatchian pour ce cancer qu’on ne sait pas encore guérir.
Pourquoi faut-il provoquer une ménopause chez les femmes jeunes touchées par un cancer du sein métastatique ?
Le cancer du sein hormonodépendant (HR+) se nourrit des hormones et notamment de les œstrogènes.
Les œstrogènes sont majoritairement produits par les ovaires. À la ménopause, les ovaires sont au repos et les œstrogènes sont produits par des organes périphériques grâce à des enzymes, les aromatases, qui vont transformer les androgènes produits par les glandes surrénales.
Les femmes touchées par un cancer du sein hormonodépendant sont donc traitées par des molécules qui empêchent la tumeur de se nourrir des œstrogènes. Elles agissent de différentes façons :
– soit en bloquant l’action des œstrogènes sur la tumeur : c’est le cas du tamoxifène. Il est efficace aussi bien sur les femmes ménopausées que préménopausées,
– soit en bloquant la transformation par les aromatases des androgènes en œstrogènes : c’est le cas des anti-aromatases. Ils sont efficaces principalement chez les femmes ménopausées puisque leur source d’œstrogènes provient principalement de cette voie.
Ces traitements sont inefficaces seuls chez les femmes préménopausées car leurs œstrogènes sont principalement produits par leurs ovaires. Il faut donc avoir recours au préalable à un autre type de traitement qui va les « castrer » chimiquement en bloquant la production d’œstrogènes par les ovaires. Il s’agit des analogues de LH-RH.
Emilie Groyer
(1) Tumeurs exprimant les récepteurs aux hormones mais n’exprimant pas HER2, un récepteur de facteur de croissance