Lorsqu’un cancer de l’ovaire récidive, les oncologues ne disposent d’autres moyens pour le contrecarrer que le recours à une chimiothérapie. Une option peu satisfaisante puisqu’à ce stade de la maladie son efficacité est limitée et ses effets indésirables importants. Les anticorps conjugués à des drogues, ou ADC1 pour les intimes, pourraient bien changer la donne. C’est ce que suggèrent les dernières études présentées cette année au congrès international de cancérologie de l’ASCO.
Une survie prolongée
Les ADC font partie d’une nouvelle classe de thérapie ciblée. Ils consistent à fixer la chimiothérapie sur un anticorps dirigé contre un récepteur exprimé à la surface des cellules cancéreuses pour la véhiculer au cœur de la tumeur.
C’est le principe du Mirvetuximab soravtansine (MIRV). Cet ADC cible le récepteur alpha au folate retrouvé sur plus de 75% des cellules tumorales de l’ovaire. Son efficacité a été évaluée dans l’étude de phase III MIRASOL chez des patientes déjà traitées par chimiothérapies aux sels de platine (l’une de 2 grandes familles de chimiothérapies utilisées dans le cancer de l’ovaire) et ayant rechuté.
En comparaison à une chimiothérapie conventionnelle, ce nouveau traitement améliore la survie globale des femmes malades de 26 à 49%. « Le taux de réponse était également important : 20% des tumeurs ont régressé de manière significative. Il y a même eu des réponses complète, c’est-à-dire qu’on ne détectait plus de trace de la tumeur, précise le Dr Olivia Le Saux, oncologue médicale au Centre Léon Bérard. C’est un résultat important car les cancers de l’ovaire résistants aux platines sont symptomatiques. En réduisant la tumeur, on offre donc une meilleure qualité de vie aux patientes. »
Seul ombre au tableau : le MIRV provoque des effets indésirables oculaires importants chez un tiers des patientes. « Et ce, malgré un traitement préventif. C’est une inquiétude sur cette étude » admet l’oncologue.
D’autres ADC en cours d’évaluation
La bonne nouvelle, c’est que le MIRV n’est pas le seul ADC disponible dans le cancer de l’ovaire. D’autres molécules prometteuses sont en cours d’évaluation.
Comme par exemple le Luveltamab tazevibulin. Cet ADC, dirigé contre la même cible que le MIRV, a été évalué dans l’essai de phase I STRO-002. « Il s’agit d’une phase encore précoce mais cet ADC pourrait présenter 2 avantages par rapport au MIRV. D’une part, il présente moins d’effets secondaires oculaires. D’autre part, il concerne davantage de femmes puisque, selon l’étude, 70 à 80% des patientes pourraient en bénéficier » décrypte le Dr Le Saux.
De nouvelles cibles
L’essai de phase II DESTINY-PanTumor02 (DPT02) quant à lui, évaluait le trastuzumab deruxtecan (Enhertu). Cet ADC cible un autre marqueur bien connu dans d’autres localisation de cancer (notamment le cancer du sein) : HER2. « Dans le cancer de l’ovaire, l’enhertu montre des taux de réponse importants chez des femmes ayant déjà reçu au moins 2 lignes de traitement, notamment celles dont la tumeur exprime le HER2. Les résultats doivent encore être confirmés mais c’est un espoir pour les patientes fortement prétraitées » explique le Dr Le Saux.
L’arrivée de ces thérapies ciblées a une autre implication bien plus globale : mieux caractériser les tumeurs : « Grâce aux ADC, on est en train d’assister à un « démembrement » du cancer de l’ovaire » constate le Dr Le Saux. Comme le cancer du sein, ou plutôt les cancers du sein, qui sont aujourd’hui classés par sous-types en fonction des marqueurs présents à la surface des cellules tumorales et qui bénéficient de traitements spécifiques pour chacun des sous-types, on peut imaginer que les tumeurs de l’ovaire seront bientôt mieux classifiées et donc mieux traitées. « Cela va révolutionner la prise en charge de ce cancer » s’enthousiasme l’oncologue.
Emilie Groyer
1. Antibody Drug Conjugate.
2. Délai pendant lequel la maladie ne progresse plus.