Depuis quelques années, l’alimentation est au centre de toutes les attentions. Au point de tourner à l’obsession. Le sucre, les produits laitiers, la viande sont pointés du doigt. On nous enjoint de manger varié et équilibré. Entre les « nutriscores », les applications pour scanner les produits et les informations qui circulent sur internet, il est parfois difficile de s’y retrouver. Mais que disent vraiment les recommandations officielles ? On fait le point avec Virginie Boumendil, diététicienne à l’hôpital européen Georges-Pompidou, spécialisée en oncologie, pour que le moment du repas ne soit pas une source supplémentaire de stress et reste un plaisir.
Les fruits et légumes
À manger à volonté ! On veillera toutefois à ne pas abuser des fruits, riches en fructose donc en sucre. Attention également aux interactions médicamenteuses. Le pamplemousse par exemple est à éviter pendant la chimiothérapie.
Concernant le soja, il ne semblerait pas être contre-indiqué lorsqu’il est consommé dans l’alimentation sous forme de haricot, yaourt, tofu, lait, … à condition de ne pas dépasser 2 produits par jour. En revanche, il est déconseillé sous forme de complément alimentaire en cas de cancer hormonodépendant et de traitement par hormonothérapie car il contient de fortes concentrations de phyto-oestrogènes.
Le poisson
Il est recommandé d’en manger 2 fois par semaine dont un poisson gras (sardines, maquereau, hareng, saumon) car ces derniers sont riches en oméga-3. Parce que certains poissons peuvent contenir des polluants, il faut veiller à varier les espèces.
La viande
Concernant la viande, on privilégie la volaille et on limite les viandes rouges (porc, boeuf, veau, agneau…) à 500 g par semaine. On évite les cuissons à haute température (supérieure 200°C) type fritures, grillades et barbecue.
La charcuterie
Considérée différemment de la viande non « transformée », il est préconisé de ne pas en manger plus de 150 g par semaine et on privilégiera le jambon blanc ou de volaille (soit environ 3 tranches), moins gras.
Les féculents
Pâte, riz, pommes de terre, semoule, pain… Il en faut à chaque repas. Concernant la quantité : à vous de voir. Cela dépend des besoins de chacun. On préfèrera les féculents complets, moins raffinés et plus riches en fibres.
Les légumineuses
Lentilles, pois, fèves, haricots, pois chiches… Aussi appelés légumes secs, ils peuvent remplacer les féculents. S’il faut en manger au moins 2 fois par semaine, la fréquence de leur consommation est laissée à l’appréciation de chacun : leur digestion peut en effet être difficile en raison de leur richesse en fibres.
Les produits laitiers
Que ce soit sous la forme de yaourt, fromage blanc ou fromage, il est recommandé d’en manger 2 parts (soit 2 fois 30 g) par jour pour couvrir les besoins en calcium. Concrètement, cela correspond à un yaourt nature et un morceau de fromage ou du fromage râpé sur des pâtes.
Ils sont très importants pendant la ménopause ou en cas de traitement par hormonothérapie pour prévenir la perte osseuse. On évitera toutefois les double ou triple crèmes, comme la mascarpone, très riches en graisse. En revanche, pas de différence entre le lait de vache ou de chèvre : faites en fonction de vos préférences gustatives.
À noter que la crème fraiche et le beurre, même s’ils sont issus du lait, ne sont pas considérés comme des produits laitiers en raison de leur richesse en graisses. Les desserts lacté n’entrent pas non plus dans cette catégorie car ils contiennent peu de lait et beaucoup de sucre.
Les matières grasses
On préférera l’huile d’olive, de noix ou de colza, riches en acides gras essentiels (c’est-à-dire en acides gras que notre corps n’est pas capable de produire lui-même et qu’il faut lui apporter via l’alimentation). On peut aussi se passer d’ajout de matière grasse en utilisant la graisse naturellement présente dans la viande, en conservant la peau du poulet par exemple ou en ne dégraissant pas complètement sa pièce de bœuf ou de porc.
Le sucre
C’est comme tout, il ne faut pas en abuser. Mais il ne faut pas pour autant le supprimer : nos cellules en ont besoin pour fonctionner et s’en priver risquerait de provoquer des carences délétères. On privilégiera toutefois le sucre roux, moins raffiné que le blanc.
La phytothérapie
La phytothérapie, quoique naturelle, n’est pas toujours sans risque. Il existe souvent des interactions plus ou moins délétères avec les traitements spécifiques du cancer. Il est donc primordial, lors de la consommation de plantes – sous n’importe quelle forme : gélule, huile, tisane, poudre… – d’en informer son médecin référent qui veillera à ce que les indications et contre-indications soient évaluées.
Le soja, par exemple, utilisé pour lutter contre les bouffées de chaleur et l’ostéoporose, réduit l’action du tamoxifène et des anti-aromatases. L’utilisation des plantes doit être encadrée afin de n’en tirer que les bénéfices.
Et les écarts ?
Ils sont autorisés ! Il ne faut pas culpabiliser de ne pas respecter de temps en temps les recommandations, de ne pas avoir cuisiné « maison », d’avoir opté pour un plat « tout prêt ». Mangez ce dont vous avez envie, dans la limite du raisonnable !
INFOS + : ACCOMPAGNEMENT EN CAS DE PRISE DE POIDS
En cas de prise de poids pendant le traitement, n’hésitez pas à vous faire accompagner par une diététicienne spécifiquement formée à l’oncologie. Il existe de nombreux réseaux régionaux comme Oncodiet, Onco94, Osmose…
La pratique d’une activité physique adaptée est aussi essentielle (une demi-heure par jour).
Propos recueillis par Emilie Groyer