En pleine tempête #fakemed qui met en cause l’homéopathie et son remboursement, l’UNESCO organise en son siège parisien la première « Journée mondiale de l’acupuncture ». Des médecins et praticiens du monde entier se sont réunis pour débattre de cette discipline héritée de la médecine traditionnelle chinoise arrivée en Europe au XVIIème siècle et inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité depuis 2010. Avec un message clair : « l’acupuncture n’est pas qu’un placebo ».
15 à 20% des patients atteints de cancer utilisent l’acupuncture
Dans le contexte général de suspicion sur les remèdes autres qu’allopathiques, cette pratique a de quoi laisser dubitatifs les médecins occidentaux : elle prétend prévenir ou soigner des maladies en améliorant la circulation de l’énergie de chaque individu, leur Qi (prononcez « tchi »), grâce à des aiguilles, parfois surmontées d’un moxa incandescent1, introduites à des points précis du corps.
Les patients, en revanche, plébiscitent la pratique : en cancérologie l’acupuncture est utilisée par 15 à 20% des patients atteints2. Elle est par ailleurs inscrite au référentiel de l’association francophone des soins de support pour soulager les nausées/vomissements, les bouffées de chaleur, la douleur, le stress et l’anxiété, la fatigue, les troubles du système immunitaire et les perturbations du sommeil.
Une pratique traditionnellement empirique
L’efficacité de l’acupuncture est souvent mise sur le compte de l’effet placebo. Il est vrai que l’écoute du malade tient une place primordiale dans l’approche chinoise. Contrairement aux consultations de notre médecine générale où les patients s’enchainent parfois toutes les 10-15 minutes, une séance d’acupuncture dure en moyenne 40 à 50 minutes. Le patient, en confiance, pourrait donc déclencher lui-même des mécanismes qui soulageraient sa maladie.
Pour certaines indications, le bénéfice de l’acupuncture n’est pas encore clairement établi. Non pas que les études manquent dans ce domaine mais les méthodes utilisées ne répondent pas toujours aux normes actuelles : étude en double aveugle, répartition aléatoire des personnes traitées, comparaison avec un placébo… Il faut dire que l’acupuncture ne se prête pas à ces protocoles conçus pour les médicaments. Tout d’abord parce qu’il s’agit d’une médecine personnalisée. Pour une même pathologie, les points puncturés ne seront pas forcément identiques d’un patient à l’autre. Difficile donc de répartir de façon homogène les personnes dans les groupes traités/non traités quand le traitement lui-même peut varier. Comment le praticien peut-il être « aveugle » et ne pas savoir qu’il pique ? Aujourd’hui cette question a trouvé une réponse avec le développement d’aiguilles rétractables qui pénètrent faiblement la peau. Mais ces « fausses piqures » sont-elles le placébo idéal ? Ne vaut-il pas mieux réellement puncturer les personnes du groupe placébo mais à des endroits qui ne correspondent pas aux points d’acupuncture testés ?
L’INSERM, dans un rapport publié en 20143, se questionnait sur la pertinence de cette démarche : « Dans quelle mesure doit-on appliquer sans aménagement ce modèle d’évaluation à des soins développés selon une approche totalement différente (comme c’est le cas de la médecine chinoise) et pour lesquels le modèle économique et conceptuel est radicalement différent de celui du monde industrialisé du médicament ? »
Un effet anti-nausée et vomissement démontré
Dans ce même rapport, l’INSERM reconnaissait toutefois que « pour bon nombre de douleurs chroniques, pour traiter des nausées et vomissements, on peut affirmer avec suffisamment de certitude que l’acupuncture a une efficacité supérieure à une absence de soin ».
Récemment, une équipe australienne4 a entrepris une revue systématique et méthodique de la littérature scientifique. Elle a ainsi pu démontrer que l’acupuncture réduit la fréquence des vomissements aiguës et permet de limiter l’emploi de médicaments anti-vomissement dits « de secours » habituellement administrés lors de crises5, 6. Elle ne serait en revanche pas efficace sur les nausées contrairement à l’acupression qui en réduit la fréquence. L’acupuncture aurait aussi un effet potentiel sur les douleurs articulaires provoquées par certaines hormonothérapies (par anti-aromatase).
Autre point rassurant soulevé par le rapport de l’INSERM : « les risques d’effets indésirables graves semblent extrêmement limités du moins dans le contexte occidental d’un exercice contrôlé ». Chez 0,55 patients sur 10 000, des douleurs à l’insertion de l’aiguille, des saignements ou des ecchymoses aux points d’insertion, une sensation de malaise, une exacerbation transitoire des symptômes ou une fatigue post-traitement ont pu être constatées. Les effets secondaires graves (pneumothorax, complications infectieuses…) sont très rares.
Une pratique reconnue mais mal prise en charge
À condition bien sûr que l’acupuncture soit réalisée par des professionnels. En France, cette pratique est considérée comme un acte médical. Elle ne peut être pratiquée que par un médecin, une sage-femme ou un chirurgien-dentiste titulaire d’un diplôme interuniversitaires ou d’une capacité de médecine.
Une formation que les praticiens aimeraient voir valorisée. D’une part pour obtenir plus facilement des financements pour conduire leurs recherches mais aussi pour que les traitements soient mieux pris en charge. Aujourd’hui, la sécurité sociale ne rembourse que 18 € sur des consultations qui sont facturées en moyenne entre 40 et 80 €.
Où trouver un acupuncteur :
http://www.acupuncture-medic.com/index.php3
Emilie Groyer
(1) Le moxa est un bâton ou cône d’armoise dont la fumée et la chaleur, qui se dégage pendant sa combustion, sert à stimuler les points d’acupuncture.
(2) Référentiel AFSOS
(3) Evaluation de l’efficacité et de la sécurité de l’acupuncture, 2014
(4) J. McDonald et al. Acupuncture evidence project, a comparative study. AACMA 2017
(5) Garcia et al. Acupuncture for symptom management in cancer care: an update. Curr Oncol Rep. 2014
(6) Ezzo et al. Acupuncture-point stimulation for chemotherapy-induced nausea and vomiting. Cochrane Database Syst Rev. 2006