Joséphine, 34 ans, mariée depuis presque 8 ans (Mastectomie en 2010)
« Quand j’ai su qu’il y avait une sexologue dans le service d’oncologie où j’étais suivie, je n’ai pas hésité à la consulter. Mon mari avait beau me dire que, pour lui, ce sein en moins ne changeait rien, moi, j’avais besoin d’un accompagnement pour me motiver et avoir moins peur dans ma tête.
Elle m’a beaucoup rassurée, me rappelant que la sexualité ne se limitait pas aux seins, que le « bas » fonctionnait toujours et qu’il y avait plein de choses que l’on pouvait faire dans un lit.
Et c’est vrai! Pendant les préliminaires, par exemple, je joue beaucoup sur l’effet lingerie alors qu’avant j’étais toujours nue. Nous avons aussi développé d’autres formes de corps-à-corps, comme les caresses sur des zones inexplorées jusque-là ou encore les massages que l’on se donne mutuellement. Des pieds surtout: c’est très sensuel ! ».
Catherine, 50 ans, célibataire (Double mastectomie en 2012)
« Il y a des femmes qui assument. Moi, je n’en fais pas partie. Depuis qu’on m’a retiré les deux seins en urgence sur récidive foudroyante, trois ans après mon premier cancer, je n’arrive toujours pas à me regarder – au point de prendre ma douche dans le noir – ni à me toucher, sauf à travers un tissu.
Je suis tellement dégoûtée de moi-même qu’à ce jour il m’est impossible de me projeter dans une relation amoureuse, encore moins d’avoir une vie intime. Rien que le mot séduction me fait peur. J’ai conscience que, sans un gros travail sur moi, je n’arriverai pas à m’accepter. Mais le préalable, déjà, c’est que je termine la reconstruction de mes seins. »
Béatrice, 46 ans, de nouveau en couple depuis juin 2014 (Mastectomie en 2009)
« Après avoir été quittée par mon mari au début de la maladie, en 2007, ma vie de femme est restée en berne jusqu’à l’été dernier. De toute façon, je n’avais aucune envie qu’un homme m’approche, pas même après la reconstruction, en 2011. Et puis, l’année dernière, j’en ai eu marre d’être seule.
Il fallait que ma tête soit prête pour que mon corps suive. Sur un site de rencontres, j’ai fait la connaissance d’un homme un peu cabossé, comme moi. Le premier soir, quand les caresses sont devenues pressantes, je lui ai dit, morte de trouille, que je n’avais qu’un sein. Il a voulu regarder tout de suite, mais j’ai préféré garder mon petit top en coton.
J’avoue que les premières fois n’ont pas été géniales car j’étais quand même très mal à l’aise. Mais peu à peu, voyant qu’il m’acceptait telle que j’étais, j’ai pris confiance. Et moi qui étais plutôt du genre coincée, j’ose même aujourd’hui prendre des initiatives, dire ce qui me plaît ou pas. J’ai l’impression d’être une autre femme. »
Céline, 36 ans, mariée depuis 8 ans (Mastectomie d’un sein en 2012, de l’autre à titre préventif – gène BRCA2 – en 2014)
« Au début, je n’osais pas me montrer nue devant mon mari. J’avais peur de le dégoûter. Et lui, sentant ma réticence, n’osait pas me toucher à l’endroit de la cicatrice. Petit à petit, il m’a rassurée et m’a aidée à franchir le pas. Qu’il me manque un sein lui allait très bien, mais j’ai quand même préféré me faire reconstruire.
D’avoir fait des photos professionnelles avant et après la mastectomie, puis régulièrement pendant la reconstruction, m’a aussi beaucoup aidée à accepter mon image et à reconquérir ma sexualité.
Aujourd’hui, je suis en pleine reconstruction de la seconde mastectomie et dans le regard de mon mari, je me sens toujours aussi belle et désirable. Ça, pour la sexualité, ça n’a pas de prix. »
Nadia, 49 ans, divorcée (Mastectomie en 2007)
« Après ma mastectomie, j’ai eu l’impression d’être handicapée physiquement, psychologiquement et sexuellement. Il était hors de question que je montre ma poitrine à mon mari et, comme lui était particulièrement insensible à ce qui m’arrivait, nos rapports, y compris sexuels, sont devenus très tendus.
Neuf mois plus tard, je me suis faite reconstruire, avec un résultat magnifique. Mais ce n’est qu’après mon divorce que l’envie de séduire est revenue. Je suis tout bonnement partie à la chasse. J’ai commencé avec un ex parce que j’avais confiance en lui. Depuis, nous sommes juste copains mais cette relation m’a prouvé que je pouvais encore séduire. »
Christine, 47 ans, célibataire (Mastectomie en 2013)
« Comment reprendre une vie sexuelle quand on vient d’être plaquée, qu’on a 45 ans et un sein en moins ? C’est la question que je me suis posée. Les sites de rencontres, ce n’était pas mon truc, alors j’ai eu l’idée de faire appel à deux ex, avec qui j’étais restée amie, et en qui j’avais confiance.
On a beaucoup parlé avant de passer au lit et je leur ai bien expliqué à quoi ressemblait la cicatrice même si, au début, j’ai gardé soutien-gorge et prothèse, puis investi dans une petite nuisette, quand même plus glamour.
Depuis, j’ai fait plusieurs rencontres et j’applique toujours la même « recette »: féminité, dialogue, humour et dédramatisation. En revanche, jamais je n’impose ma nudité à un homme qui ne veut pas voir. Je fais les choses naturellement, sans aucun tabou, et ça marche plutôt bien ! »
Rosalie, 57 ans, en couple depuis 22 ans (Mastectomie en 2013)
« J’appréhendais tellement le retour sous la couette, après l’opération, que j’ai envisagé de faire chambre à part. Nous qui avions une sexualité très riche, avec mon mari, je ne savais pas comment nous allions faire avec cette mutilation effrayante. En définitive, après quelques semaines, j’ai fini par quitter le soutien-gorge postopératoire la nuit et nous avons « inclus » cette grande balafre dans notre sexualité.
Mon mari n’a pas hésité à la toucher, à tester sa sensibilité, à explorer de nouvelles zones autour et il n’a jamais cessé d’être attentif à mon plaisir. Ces attentions, ce regard qu’il porte sur moi m’ont vraiment aidée à retrouver une sexualité épanouissante. »
Amélie, 29 ans, en couple depuis 10 ans (Mastectomie en juin 2014)
« J’ai préparé mon mari en lui montrant, avant l’intervention, des photos de mastectomie sur Internet. Du coup, il n’a non seulement pas été perturbé par ma cicatrice quand il l’a vue la première fois, mais c’est plutôt moi qu’elle dérange dans les moments d’intimité. Même si, dans son regard, je me sens toujours autant désirée, je préfère pour l’instant garder une nuisette.
Ça me rassure. J’en avais déjà des sexy, avec dentelles et tout. Mais mes copines ont eu la bonne idée de m’en offrir de nouvelles pour mon anniversaire, très… tentantes! Cela dit, si le désir est revenu, mon corps ne suit pas toujours à cause de l’hormonothérapie. J’espère que ça ira mieux après… »
Carole, 46 ans, mariée depuis 17 ans (Mastectomie en juin 2014)
« Quand j’ai vu mon mari devenir tout blanc en découvrant la cicatrice, j’ai compris qu’il n’était pas prêt. Depuis, je porte toujours au lit un petit débardeur assez court, qui masque juste la poitrine. J’en ai plein: des blancs, des noirs, avec des fleurs, en coton ou avec de la dentelle…
Mon prochain investissement, c’est un soutien-gorge spécial asymétrie, dont les deux bonnets sont en dentelles. C’est cher, mais c’est sexy! Mon mari aimerait bien que je me fasse reconstruire. Moi, je n’y tiens pas. Je suis certes une amazone, mais « en bas », je suis toujours vivante »! »
Carole, 41 ans, mariée depuis 14 ans (Mastectomie en 2012)
« Les dents de la mer : c’est l’image qui m’est venue quand j’ai vu la cicatrice, le lendemain de l’opération. Je l’ai d’ailleurs dit à mon mari et ça lui a fait peur. Tellement qu’en la voyant, ensuite, il l’a trouvée moins moche qu’il ne le craignait! Dès le départ, je n’ai senti aucune gêne de sa part, aucune baisse de son désir. Mais la sexualité me paraissait tellement secondaire par rapport à la maladie qu’au début j’ai surtout fait l’amour pour lui faire plaisir.
J’ai découvert ensuite que jouer sur la féminité et la séduction me faisait du bien non seulement à moi mais aussi à notre couple: j’ai acheté de la très jolie lingerie, je me suis mise à me maquiller alors que je ne le faisais pas avant et j’accorde aujourd’hui bien plus d’importance à mes cheveux. En me sentant désirable, je me sens vivante. »
Propos recueillis par Emmanuelle Blanc