Caroline a 39 ans. Aude, 35. La première vit à Lyon. La seconde, à Dijon. Elles sont cousines et porteuses de la même anomalie du gène BRCA, les prédisposant à souffrir de cancers. Comme de nombreuses femmes de leur famille. Les deux femmes viennent d’avoir leur mastectomie prophylactique déprogrammée à cause de la seconde vague de l’épidémie de covid-19. Pour Aude, c’est le second report en un an.
Un premier cancer triple négatif fulgurant
Ce BRCA, est l’ombre qui pèse sur la vie des deux femmes. Caroline, depuis qu’elle se savait porteuse de l’anomalie en 2017, suite au cancer de sa tante, était consciente qu’elle devait se faire retirer les seins et les ovaires à 40 ans. En février 2019, elle se rend à son dépistage (mammo, IRM), comme tous les six mois. En ce début d’année, rien à signaler. Trois mois plus tard, en mai 2019, elle sent une boule sous le bras. Branle-bas de combat, urgences, biopsies. Et le diagnostic, implacable. Cancer du sein triple négatif. Agressif. Développé en 3 mois. Tout de suite, elle subit une mastectomie, 6 mois de chimiothérapie, 6 mois de radiothérapie (qui s’est terminée au début du premier confinement, le 17 mars). Puis, très vite, programmée l’ablation de son second sein.
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« On ne vous déprogrammera pas. Trop de risques… »
Consciente qu’elle vit avec « une grenade dégoupillée » dans son corps, jamais Caroline n’aurait imaginé que cette mastectomie, prévue le 20 octobre, serait déprogrammée. Jamais elle n’aurait cru qu’on laisserait ainsi une femme avec, dans son sein, « une bombe prête à exploser ». Elle l’imaginait d’autant moins, qu’une semaine avant la date de l’opération, la psychologue de l’hôpital se montrait rassurante : « Ils ne déprogramment que les chirurgies esthétiques, ce n’est pas votre cas ». L’anesthésiste, quelques jours avant le reconfinement, lui tient lui tient le même discours : « On ne va pas vous déprogrammer, ne vous inquiétez pas. Il y a un risque réel pour vous».
Le jeudi 15 octobre, 4 jours avant l’opération, la secrétaire de sa chirurgienne l’appelle pour confirmer l’heure d’entrée au bloc.
Chaque jour est une perte de chance
C’est le vendredi 16 octobre, soit 3 jours avant la date prévue de sa mastectomie, qu’elle reçoit un appel de la responsable du service gynécologie d’un hôpital lyonnais. Déprogrammation. « Le sol s’est dérobé sous mes pieds. Je suis plutôt combative, mais là c’était trop. C’est comme si le monde s’écroulait. En fait, ma chirurgienne avait tenu ferme, toute la semaine, pour maintenir le bloc, mais le vendredi 16 octobre, l’ARS Rhône-Alpes a annoncé aux hôpitaux qu’ils devaient annuler toutes les chirurgies -à part celles de cancer. Je n’ai pas « encore » de tumeur, donc je suppose que mon ablation a été considérée comme esthétique… Mais enfin, qu’est-ce qu’ils imaginent qu’avec un BRCA, un cancer triple négatif fulgurant, me faire enlever un sein est un acte de confort ? Chaque jour est pour moi une perte de chance. J’ai l’impression de vivre un cauchemar sans fin ».
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Céline Lis-Raoux
Notre association a envoyé un courrier de rappel au directeur de l’ARS Rhône-Alpes ainsi qu’à l’INCa (Institut National du Cancer) pour leur demander officiellement de préciser aux hôpitaux que les opérations prophylactiques pour des femmes porteuses de la mutation sur le gène BRCA soit considérées comme des opérations de cancérologie à part entière.